Port du casque à vélo ?

La FUB demande le retrait de l’amendement CD1951 à la Loi Mobilité, qui entendrait imposer le casque aux usagers du vélo. Il s’agit d’un sujet contre-intuitif et donc sujet à malentendus.

En effet, sur le fond : La Loi d’orientation des mobilité ambitionne de multiplier par 3 la part modale du vélo d’ici 2024. Cet objectif est essentiel non seulement pour atteindre les objectif de la France en terme de réduction d’émission de GES, mais également – et surtout – pour la santé publique, minée par une véritable pandémie de sédentarité (dont le cout croit chaque année et sera bientôt de l’ordre du cout du tabagisme, et le dépassera ensuite).
Nous comprenons l’intention en étendant l’obligation du port du casque aux cyclistes adultes et aux usagers de trottinettes et autres EDP.
Cependant, notre position – constante et partagée avec toutes les associations équivalentes à la notre dans le monde entier – est d’indiquer que si le casque offre une certaine protection à titre individuel, son obligation est inutile, et – pire – contre productive.

Des mécanismes contre-intuitifs

Un cycliste casqué n’a pas le même comportement qu’un cycliste non casqué. Pour simplifier : se croyant protégés (pourtant par une protection illusoire, voir plus bas pour le domaine de pertinence du casque) les cyclistes prennent davantage de risques, ce qui annule les gains espérés (surtout ce dernier est très faible). Pire, il a été mesuré que lors d’un dépassement, les automobilistes dépassent plus près des cyclistes casqués, ce qui augmente le risque objectif pour le cycliste de se faire heurter. 
Depuis des années, la FUB dénonce régulièrement des amalgames injustifiés qui devraient logiquement conduire à des conclusions aussi aberrantes que rendre le casque obligatoire pour les piétons dans les escaliers (majorité de traumatisme crâniens en France) ou les automobilistes de plus de 65 ans…
Typologie des blessures à vélo : les membres sont les plus touchés que la tête

L’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux, mène des études approfondies sur les accidents de la circulation. Ses investigations dans le département du Rhône en collaboration avec 260 services hospitaliers ont donné lieu à plusieurs publications dont l’étude sur les « cyclistes victimes d’accidents : caractéristiques et bilan lésionnel  » (2009). Sur un total de 14  432 cyclistes (3  349 enfants, 2969 ados, 8  095 adultes) accidentés entre 1996 et 2006 sur ce département, les chercheurs constatent que  :
– La plupart de leurs blessures sont peu graves ; ce sont majoritairement des contusions, des fractures simples ;- Toutes gravités et toutes pratiques confondues, 47,5 % des cyclistes blessés sont surtout atteints aux bras, 32,6 % aux jambes, 23,3 % au visage et seulement 16,9 % à la tête ;- La gravité des blessures est plus élevée, en moyenne, chez les hommes (plus grande prise de risques), les plus de 45 ans (plus grande fragilité physiologique), lors de trajets privés (loisir, sport, VTT, mountainbike, …) par opposition aux trajets liés au travail, contre un antagoniste motorisé (voiture, camion, …), en milieu rural sur routes départementales (vitesses plus élevées), la nuit (faible visibilité des cyclistes) ;- Les cyclistes ayant des blessures qui mettent en jeu le pronostic vital (AIS 4=sévère, AIS5= critique, AIS 6=au delà de tout traitement possible, ie assurément mortel) souffrent pour 73 % d’entre eux d’une lésion à la tête (et 24 % au thorax). Cela représente en 10 ans 158 cyclistes sur les 14 432 blessés réceptionnés soit (heureusement) seulement 1,09 % ;- Contrairement aux idées reçues, les accidents de vélo en ville sont moins graves que les accidents de vélo hors ville : parmi les cyclistes blessés en ville, 7,3 % sont blessés sérieusement, contre 10,6 % parmi les cyclistes blessés hors ville ;- Le danger à vélo est sans commune mesure avec celui d’un deux-roues motorisé : par rapport à un automobiliste, le risque d’être sérieusement blessé seul est 100 fois plus élevé pour un usager de 2RM (deux-roues motorisés) et 20 fois plus élevé pour un cycliste ; contre un antagoniste motorisé, ce risque devient 144 fois plus élevé pour l’usager de 2RM, 8 fois plus élevé pour le cycliste et 3 fois plus élevé pour le piéton ;- Selon le même fichier, sur 4 000 piétons blessés gravement, 84 % sont touchés à la tête (en majorité les plus de 65 ans), songerait on à un casque obligatoire pour les piétons ? Et 52 % des 15 000 motards gravement blessés souffrent de traumatismes crâniens : le casque n’est donc pas une mesure de protection suffisante !
Efficacité du casque : des résultats d’études contradictoires

On comprend parfaitement qu’il paraisse tentant de penser, comme on l’entends souvent, « cela ne peut pas faire de mal », mais pourtant une majorité d’études scientifiques trouvent cette affirmation discutable. La vitesse est facteur d’accident et augmente la gravité des blessures. Elle induit des polytraumatismes : d’autres organes vitaux que la tête sont touchés. Le rôle du port du casque est de ce fait amoindri. Les accidents sur routes départementales étant les plus graves en termes de bilan lésionnel pour les cyclistes mais aussi pour tous les autres usagers de la route, il est préférable d’agir globalement sur les vitesses pratiquées plutôt que de stigmatiser une seule catégorie d’usagers. Le 80 km/h, même si très décrié, va dans ce sens. Le proposition d’amendement de la FUB sur l’extension « rurale » de l’article L228-2 du code de l’environnement est une réponse bien plus pertinente.
Les enseignements des autres pays

Rarissimes sont les pays qui généralisent l’obligation du port du casque. Cette obligation concerne le plus souvent les jeunes (moins de 15 ans en Suède, moins de 16 ans en Espagne depuis juin 2014) ou des environnements spécifiques (depuis 2004, obligatoire hors agglomération sur les routes nationales en Espagne).
Les études étrangères qui se sont intéressées aux modifications de comportement suite à l’obligation du port du casque concluent toutes à une diminution du nombre de cyclistes. Ce fut le cas au Canada, en Australie et Nouvelle-Zélande. En revanche, le nombre de blessés ne diminue pas autant que l’on s’y attendait (Espagne, Suède). Au contraire, en baissant le nombre de cyclistes, on réduit l’effet de « sécurité par le nombre ». Le nombre de blessés reste souvent le même avant et après la mise en place de la mesure. Le casque n’est donc pas le bon critère pour changer significativement les chiffres de sécurité routière des cyclistes.
Plus dangereux de ne pas faire de vélo

Comme le démontre l’Observatoire régional de santé Ile de France (étude 2012), le bénéfice de la pratique du vélo est plus de 20 fois supérieur aux risques encourus. Ce ratio très important en faveur du vélo est essentiellement dû aux bénéfices de l’activité physique qui l’emportent largement, à la fois sur les autres bénéfices et sur l’ensemble des risques. Plus la part modale du vélo est élevée, plus ce ratio est important, allant de 19 avec une part modale du vélo de 4 % jusqu’à 27 avec une part modale du vélo de 20 %. Donc les gouvernements devraient se polariser sur l’encouragement à la pratique plutôt que d’effrayer les usagers en donnant au risque d’accident une importance qu’il n’a pas dans la réalité.
Des casques peu performants et souvent mal positionnés

Les tests des casques mis sur le marché mettent en évidence l’inadéquation des normes de résistance avec la cinématique de la trajectoire du cycliste en cas de collision (Icube-université de Strasbourg). Les casques pour enfants sont également généralement inadaptés à leur morphologie. En outre, un casque vélo ne résiste pas à la violence d’un choc insufflé par un véhicule à grande vitesse. Il faut déjà apprendre à bien positionner un casque (ni trop en avant, ni trop en arrière), à bien serrer la jugulaire (former un angle droit), à éviter de le faire tomber par inadvertance.
Conclusion

Dans les accidents de la circulation, contrairement à des préjugés encore tenaces, les cyclistes sont moins souvent touchés à la tête que d’autres usagers, surtout en milieu urbain ! Le bénéfice sécurité attendu d’une obligation du port du casque s’est toujours démenti dans les autres pays qui ont tenté cette démarche. En France, les chiffres de vente d’accessoires vélo, et notamment de casques, sont en progression. Sans études ou données plus parlantes sur l’intérêt de rendre obligatoire le port du casque quel que soit l’usage, la FUB confirme qu’elle est pour la liberté de choix. En dehors des pratiques à risques (sport, compétition), à chacun de décider selon sa pratique, son environnement, son expérience…
Nous sommes évidemment sensibles à la sécurité des cyclistes et sommes favorables à des mesures qui amélioreraient la sécurité de la pratique du vélo en France.

Olivier SCHNEIDER
président de la FUB

En 2018, nous écrivions déjà : le point des études scientifiques sur le port du casque

Ma Ville à Vélo 08 conseille de porter un casque, mais ne souhaite pas que son port devienne obligatoire.

Extrait d’un article de Que Choisir « La Sécurité routière souligne que les traumatismes crâniens ne sont pas plus fréquents chez les cyclistes que chez les piétons ou les automobilistes, en cas d’accident de la circulation. »

De même, l’association préconise de porter des vêtements clairs, le port du gilet réfléchissant (obligatoire seulement la nuit ou par visibilité insuffisante, hors agglomération, depuis septembre 2008).